Entretien avec Nathalie Sevin-Yves, fondatrice du Comptoir de l’Hirondelle, la boutique éphémère des EHPAD & Résidences senior.
L’épidémie de Corona Virus a stoppé net l’activité de cette jeune entreprise en plein essor pour cause de confinement des EHPAD. Constats, actions, comment gère-t-on cette longue parenthèse ?
les EHPAD ont cherché par tous les moyens à maintenir les liens entre les résidents et leurs proches.
Qu’est ce qui pour l’instant, vous a marqué dans cette période ? Une belle histoire ? Une entreprise ? Une personnalité ?
Les belles histoires ne manquent pas dans cette période de confinement !
Je pourrais développer à l’infini les centaines d’initiatives qui ont été initiées et qui se développent dans tous les domaines.
Pour n’en citer que quelques unes, et au vu du prisme de mon activité essentiellement tournée vers les EHPAD, j’ai été stupéfaite par la rapidité de mise en place du cloisonnement imposé dans les EHPAD. Dans le but impérieux de protéger les résidents, ces structures ont été fermées dès le 11 mars, soit une semaine avant l’annonce du confinement. Et tout de suite, les EHPAD ont cherché par tous les moyens à maintenir les liens entre les résidents et leurs proches. Paradoxalement, l’EHPAD s’est « décloisonné »,
on a vu apparaître sur les réseaux sociaux des centaines de photos de la vie en EHPAD, des portraits rassurants des résidents, des visages souriants du personnel,… Visio, téléphone, courriers… tout ce qu’il a été possible de mettre en place l’a été. Et ce, grâce à la motivation et l’engagement absolu des membres du personnel, mais aussi des familles, des bénévoles, des associations, des municipalités…
Aussi, dans les belles histoires, je pense à toutes les chaînes de solidarité, aux centaines de couturières qui ont répondu présentes pour la confection de masques et de surblouses… jusqu’aux entreprises qui sont allées jusqu’à transformer leurs outils de production pour répondre à l’urgence. Je ne citerai pas de noms, ils sont tellement nombreux que je risquerais d’en oublier…L’histoire du territoire et de son ancrage textile a formidablement resurgi et a retrouvé ses lettres de noblesse.
Parmi toutes les personnes qui m’ont marquée, je pense à Florence Aubenas, qui a passé les 11 premiers jours de confinement dans un EHPAD et qui a écrit un papier très sensible sur ce qui s’y passe. La vie des résidents, l’engagement du personnel, le manque de moyens, la créativité et l’humanité pour y faire face…Tout y est dit, sans complaisance ni sensiblerie. Très juste, de mon point de vue.
Quelles sont les initiatives de marques ou d’enseignes qui vous ont interpellé ?
J’ai été très sensible au don de tablettes par Boulanger, aux distributeurs, Intermarché en 1er, qui ont mis en place des créneaux réservés aux personnes âgées, aux grands noms du Luxe qui ont fabriqué du gel hydro-alcoolique…
Comment faites-vous face à cette crise ?
Ce qui m’anime, au travers DU COMPTOIR DE L’HIRONDELLE, c’est de créer des temps de vie sociale en EHPAD, en transformant les structures en boutique éphémère.
D’abord, j’ai fait un tri dans mes contacts sur les réseaux sociaux. Un peu drastique, mais salvateur. C’est la seule façon que j’ai trouvée pour éviter la pire contagion : l’anxiété. Ou pire, la lénification morbide provoquée par le défilement des plaintes et des mauvaises nouvelles..
Donc, j’agis.
Ce qui m’anime, au travers DU COMPTOIR DE L’HIRONDELLE, c’est de créer des temps de vie sociale en EHPAD, en transformant les structures en boutique éphémère. Autant dire que le confinement est pour moi un coup d’arrêt brutal.
Assez vite, j’ai été contactée à plusieurs reprises par des structures pour des besoins de vêtements urgents, des masques ou des surblouses pour le personnel. Pour répondre à la demande en nombre (notamment des surblouses), j’ai lancé l’action un drap donné = une vie protégée et monté un réseau bénévole de collecte de draps pour confectionner ces vêtements « barrières».
En parallèle, je suis l’intermédiaire entre certains collaborateurs de mes fournisseurs pour relayer les dessins de leurs enfants, des poèmes, des lettres… aux EHPAD avec lesquels je travaille.
Qu’avez-vous mis en place pour pouvoir poursuivre la mission de l’enseigne ?
Dès les 1ers jours du confinement, et suite aux demandes que je continuais à recevoir, j’ai décidé de faire réaliser un flip-book de ma collection (catalogue en e-feuilletage) + un bon de commande. Ce site n’est pas marchand, mais permet une commande par téléphone, skype ou papier.
J’ai également décidé de lancer une activité en VAD au travers d’un site WEB marchand, en cours de construction.
Ce n’est pas un changement de cap, j’ai bien en tête la mission de mon activité, à savoir : favoriser le lien, créer des temps de vie sociale, contribuer aux interactions entre les personnes, à leur valorisation au travers de défilés de modes, de shootings photos etc…
Cela dit, l’introduction des nouvelles technologies dans les EHPAD peut ouvrir de nouvelles perspectives … Même si, de mon point de vue, rien ne remplace la présence physique pour incarner une vraie relation, les Nouvelles technologies sont probablement à considérer dans un avenir proche.
Comment imaginez-vous l’après de votre enseigne ?
L’éclairage porté actuellement sur la situation des EHPAD, à la fois pour le personnel et pour les résidents, montre à quel point les EHPAD sont des villages et non pas des mouroirs. Je connaissais déjà l’engagement total du personnel des EHPAD, leur volonté de toujours faire au mieux pour le résident, leur capacité de faire beaucoup avec pas grand-chose… Je suis persuadée que LE COMPTOIR DE L’HIRONDELLE a un rôle à jouer dans l’évolution de l’accompagnement des grands aînés.
Un message à faire passer ?
Plus que jamais, le confinement auquel nous sommes tous soumis, nous fait prendre conscience du sentiment d’isolement, et de fait, de l’importance des rapports humains, du respect et de l’attention portée à l’autre.
La réflexion sur le grand âge était amorcée. La situation actuelle va, de mon point de vue, accélérer les changements. Un grand mal pour un bien !