Entretien avec Pascal Griot, Gérant de Promesse de fleurs. Acteur d’un secteur en pleine croissance qui a fait face à une accélération de la demande depuis le début du confinement.
Je suis persuadé que les marques qui “tiendront” seront celles qui, avec authenticité, auront une cohérence globale de valeur produit, de communication, de politique sociale et, peut-être, de cohérence environnementale.
Est-ce que vous et tout le monde autour de vous allez bien ?
Oui. Nous avons eu trois cas présumés de Covid dans l’entreprise, heureusement sans gravité. Et, à titre personnel, je profite de 2 de mes grands enfants parisiens, venus se confiner dans la maison familiale.
Un message à passer ?
Déconfinons et reprenons le travail!
Sinon, je le dis au risque de choquer, nous aurons sauvé quelques dizaines de milliers de vies, essentiellement personnes âgées et malades, au prix de centaines de milliers de morts d’alcoolisme, de diabète, de suicide, de violence conjugale et de misère.
Que retenez-vous de cette période ? Une histoire ? Une entreprise ? Un homme ? Quelles sont les initiatives de marques ou d’enseignes qui vous ont interpellé ces derniers temps ?
Un exemple positif. Une femme. Roselyne Bachelot, qui, ministre de la santé il y 15 ans, a vu sa carrière politique détruite pour avoir commandé des centaines de millions de masques lors de la crise du SRAS.
Comment faites-vous face à cette crise ? Avez-vous déjà une idée des changements opérés qui seront potentiellement pérénisables ? Qu’avez-vous mis en place pour pouvoir poursuivre votre mission pendant la crise ?
Comme l’ensemble du secteur jardin, nous avons fait face à une explosion de commandes, qui ont triplé lors du confinement, et restent en mai 2.5 fois supérieures à la normale. Nous sommes habitués à la gestion de la croissance, puisque la pépinière progresse de 25% par an en moyenne depuis 11 ans.
Mais l’ampleur de ce choc de demandes, juste au moment où cette activité saisonnière est déjà très forte et met, chaque année, les équipes sous tension, est absolument phénoménale.
Concrètement, nous avons dû agir très vite, sur plusieurs fronts simultanément, pour éviter une implosion pure et simple :
- En protection du personnel, espacement, masques, gel hydroalcoolique,
- En organisation du travail à distance des équipes hors exploitation,
- En restructuration et massification des approvisionnements, des transports, dans un contexte qui, durant les 3 semaines entre mi mars et début avril, ressemblait un peu au far west.
Et, surtout, en redimensionnant notre capacité d’expédition, en passant de 4000 commandes par semaine, situation avant crise, à 10 000, que nous tenons depuis 3 semaines.
Nous avons totalement cessé toute activité non essentielle, et l’ensemble des équipes fonctionnelles s’est retrouvé, à temps plein, à faire du service client par mail ou téléphone.
Nous avons recruté 90 personnes, essentiellement un CDD, passant l’effectif de 50 à 140, et travaillons 7 jours sur 7, de 6h du matin à 20h….
Qu’avez-vous mis en place pour maintenir le lien avec vos clients ? quels canaux favoriser selon vous ? Quel ton de com adopter ?
Nous avons globalement massivement investi en ressources humaines pour faire face à l’explosion des contacts clients, 2000 mails et appels par jour. C’est probablement ce que nous avons fait de plus sensé durant cette crise: offrir une réponse aux questions et un contact humain.
Devant l’ampleur de la demande, nous avons coupé toute pub, et toute promotion, et avons concentré notre communication sur une pédagogie de la situation. En bandeau sur la page d’accueil de notre site internet, nous affichons et actualisons en permanence le délai d’expédition de nos commandes.
En deux mois, nous avons envoyé une seule newsletter (au lieu de 2 par semaine de coutume en cette période), une lettre expliquant où nous en étions et ce que nous avons mis en place.
Nous avons aussi mis en place des triggers de crise, emails automatiques, proposant aux clients d’annuler leur commande en 2 clics, en cas de délai supérieur à une semaine.
Et nous avons globalement massivement investi en ressources humaines pour faire face à l’explosion des contacts clients, 2000 mails et appels par jour. C’est probablement ce que nous avons fait de plus sensé durant cette crise : offrir une réponse aux questions et un contact humain.
Cette communication très proactive et transparente a été bien accueillie par les clients.
Considérez-vous que l’après crise va avoir un fort impact sur les communications de marques, voire sur leurs missions ? Que devront-elles changer ?
Pour dire les choses prosaïquement, nous vivons désormais dans une maison de verre, où tout se sait, tout se voit ; ne prenons pas nos clients pour des cons, ils s’en souviendront. Ne prenons pas nos salariés pour des cons, ils s’en souviendront.
Indirectement, oui, en amplifiant une tendance de fond. Juste avant cette crise, j’ai lu un ouvrage qui m’a marqué et que je recommande, Les entreprises humanistes de Jacques Lecomte.
Je pense que dans l’univers de défiance généralisée et d’individualisme de plus en plus marqué, les entreprises ont un rôle à jouer en régulation, aussi bien pour les salariés qui la composent, que pour ses clients.
Je suis persuadé que les marques qui “tiendront” seront celles qui, avec authenticité, auront une cohérence globale de valeur produit, de communication, de politique sociale et, peut-être, de cohérence environnementale.
Pour dire les choses prosaïquement, nous vivons désormais dans une maison de verre, où tout se sait, tout se voit ; ne prenons pas nos clients pour des cons, ils s’en souviendront. Ne prenons pas nos salariés pour des cons, ils s’en souviendront.
Considérez-vous que l’après-crise va avoir un fort impact sur le comportement des consommateurs ? Quel impact sur les modèles des enseignes ?
Si la crise économique induite par le confinement reste contenue, dans son ampleur et sa durée, il me semble que le jour d’après ressemblera beaucoup au jour d’avant. Fondamentalement, chacun aspirera à revenir à la normale.
En revanche, la crise devrait sensiblement accélérer des tendances de fond, notamment :
- accélération du mouvement souterrain de dé-consommation
- accélération de la dématérialisation de la consommation et de la socialisation, avec un nouvel essor du e-commerce et des outils de communication (cf zoom, slack)
Si la crise économique s’emballe, ce qui me semble assez probable compte tenu de l’ampleur du choc, nous entrerons en terre inconnue. Les générations actives aujourd’hui sont les premières historiquement à n’avoir jamais connu de soubresaut majeur, crise économique de très grande ampleur, guerre majeure. Cette heureuse anomalie est peut-être en train de disparaître.
Comment imaginez-vous l’« après » pour votre enseigne ?
Le champ des possibles est immense, “sky is the limit”. Nous sommes aujourd’hui leaders d’un micro-marché, e-commerce des plantes de jardin, qui va décoller.
A court terme, nous allons finir d’absorber la vague de commandes, laisser les équipes se reposer, remettre l’ensemble de la structure au carré, et digérer un peu.
Ensuite, nous accélérerons notre programme d’investissement et de recrutement, avec je pense une trentaine de nouveaux collaborateurs dans les mois à venir. Nous avons beaucoup plus de projets que de temps et d’équipes pour les mener.
Le point critique pour nous sera de renforcer notre structure sans perdre notre âme, et de renforcer le contrat social implicite de l’entreprise, qui repose sur des valeurs d’effort, de persévérance, de fidélité, de droit à l’erreur, et de partage de la valeur. Des “petites choses”, comme éviter de licencier un collaborateur en difficulté, favoriser la promotion interne, donner du sens au travail et de l’autonomie à chacun, qui au final font le succès durable d’une entreprise.
Merci à Pascal Griot, vous pouvez découvrir le site Promesse de Fleurs en cliquant ici